La Belle Lurette
Hommage à Franck Venaille
Par Alain Guillard
J’allais dans Paris, par les petites rues autour Beaubourg. Certaines m’évoquaient toujours mon adolescence; ces heures où, déjà, je tournais en quête de je ne savais quoi déjà, mais qui passait par les livres. A un moment, je passai devant la Maison de la Poésie, rue Saint Martin. Sur un côté, une ruelle à gros pavés, dont les pavés luisaient de pluie sale, que je pris. Au fond de la ruelle (mais c’était un passage, on pouvait ressortir par l’autre bout) parmi des ateliers d’artistes, la devanture d’une librairie, acajou, de bois chaud, La Belle Lurette. Le libraire avait une épaisse moustache jaune joviale, des yeux petits derrière des lunettes rondes vite ironiques. Je cherchai dans les murs de livres. Trouvai le mince volume de Papiers d’Identité de Franck Venaille. Le prix en étant conséquent, j’hésitai longtemps; lisant, relisant les poèmes. Ils étaient déjà des amis, des compagnons contre ma solitude. J’achetai donc ce livre.
…Ce livre, je l’ai toujours. Souvent, je le feuillette. J’en aime chaque texte presque. Je salue aujourd’hui celui qui les a écrits. Nous aurions pu être des amis, de véritables amis, de ceux qui échangent par le silence. Aujourd’hui, il disparaît, il se meurt, il est mort bientôt. Pas ces poèmes, toujours présents, vigoureusement présents. Lisez-les, ils ont l’épaisseur de la vie.