Extrait
Peut-être les mots qui suivent ont-ils plus à voir avec le silence qu’avec la parole. Sans doute sont-ils un chemin de plus vers nulle part. Il nous a bien semblé avoir vécu, avoir connu quelqu’un, et qu’un espace avait eu lieu. Durant cette impression la vie s’est écoulée. Quel sens désormais ? Manquera-t-il toujours un point à l’infini, une seconde à l’éternité ? En respirant une dernière fois la fleur des champs, sur cette terre du Sud natal, perdue de cimes et de soleil, nous aimerions que notre oubli soit un berceau.
Cap au Sud. Par tous chemins et par tous temps, mots et couleurs mêlés.
Cap sur l’oubli. Quand il est amitié d’une terre qui rend écho de l’été.
Droit vers l’étoile qui monte des braises de ces courts tableaux de Jacques Bloy.
Cela s’appelle le petit jour.
Et c’est la joie qui reprend. Comme un feu.
Qu’ils évoquent l’origine ou la fin, les tableaux du Berceau expriment l’absence et l’oubli. Dans cette nudité des choses, leur but est moins d’éclairer que de susciter la lumière. Le Sud hante les pages du livre, un Sud cruel et ténébreux, coloré et limpide, où la parole ne répond pas à la question qu’elle pose mais cherche à s’approcher, à apprivoiser, à rendre familier ce sort d’être qui nous échoit. Se rapprocher de l’incroyable. Caresser le mystère. Cette parole est un simple projet d’amitié.
Les Chemins et parchemins qui suivent sinuent entre des tombes de silence et des vies d’expression. La vision, le passé, le phantasme se mélangent dans un art où la peinture embrasse à pleine bouche, où la musique tord ses instruments, où l’homme passe, mal assuré, et pourtant bien tranquille. La mort omniprésente est la dépositaire du sens. Elle est la grande porte gothique du monde qui s’appelle la vie.
La dédicace de l’auteur
Ami, on ne transforme pas la boue en or. Ce sont des projets d’assassin. Sur le chemin des champs, poussant le derrière ondulant du troupeau, il y a mon enfance innocente aux couleurs de l’été. Je la revois marcher vers la crue monotone du soir. Dans la maison aux murs épais l’air frais est un vrai réconfort. Les verres attendent sur la table, autour du vin en pot qui laisse la bouche bleue. Entrons, buvons, tournons à la nuit soûle, près des coins renfrognés où l’ombre s’est tapie en se méfiant de nous. Elle a raison. Nous nous taisons, et le silence ne présage rien de vrai. Alors parlons. Parlons des poireaux vinaigrette du menu. Parlons des êtres retrouvés dans l’Etre disparu. De toi, de moi, de la vie telle qu’elle va, amère et refleurie, mortelle et sans regret. Le grand malheur est notre vrai mystère. La vie le boit jusqu’à la lie, jusqu’à la joie qui s’en revient et souffle, soulagée, dans l’aube qui déborde. Que ce soit là mon livre, que ce soit là le jour où, fatigués et repentis, nous reprenons la route de la chance et revenons, chacun de son côté, en souvenir de nous, en remerciant la vie, à l’essentiel de tout.
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