Christophe Bagonneau, né en 1967, est riche d’une double culture, chinoise et française. Grand voyageur, après avoir travaillé successivement dans plusieurs pays d’Asie, il enseigne maintenant en France. Il a publié des textes dans des revues chinoises, ses livres de photos ont été publiés au Japon et il collabore en tant qu’éditeur scientifique aux éditions Parole et silence.
Éthiopiques est son premier roman et son deuxième livre publié à L’Amourier après Éclat du fragment.
“ Je n’arrive pas à me persuader que mon état civil puisse avoir un quelconque intérêt, si ce n’est le fait que je suis né en 1967 dans une région productrice d’alcool, et que j’entends tirer avantage de ce premier hasard pour légitimer une certaine ébriété de mes mots, ces phrases en forme d’alambic qui m’empêchent de renier mes origines.
J’ai, enfant, puis adolescent, entretenu un important courrier, avec des gens souvent bien plus âgés que moi, croisés çà et là, généralement dans les trains. J’ai eu en même temps jusqu’à une trentaine de correspondants différents avec lesquels j’ai fait mes armes, sacrifiant à mes envois postaux quotidiens le peu d’argent de poche dont je disposais. J’aimais que l’on m’écrive, et il me paraissait évident que la source se tarirait bien vite, si je ne faisais pas le premier cet effort-là. Puis j’ai envoyé de moins en moins de lettres, remplaçant mes interlocuteurs (à la faveur de notre lassitude ou de nos déménagements) par le papier plus anonyme de bouts de romans, de poésies ou de nouvelles… Éclat du fragment (mais de même les autres recueils, s’il en vient d’autres) est l’héritier de près de 20 ans d’écriture. Certaines phrases sont restées inchangées qui ancrent nombre de pages dans telle ou telle année de ce lent exercice, quand la vie ou la mort tour à tour semblaient me submerger… car je fus, j’en ai un trop vif souvenir, touché du doigt par l’une et l’autre.
J’ai offert, il y a quelques mois, mon livre à un collègue, pour le remercier d’un service rendu. Il ne me semblait pas être un grand lecteur ; je pensais donc que l’ouvrage resterait sur une étagère, que cela de fait ne nous exposerait pas à grand-chose, et nous mettrait à l’abri de devoir un jour en parler. J’ai oublié. Lui, non. Parce qu’il y avait eu ce livre entre nous, récemment, j’ai été le seul confident de la mort de son fils de trente ans, disparu une semaine plus tôt dans un accident de voiture. Devant mon étonnement, il a simplement précisé que les quelques pages de l’enfance du deuil l’avaient incroyablement soutenu dans ce silence qu’il s’était imposé. À ce moment-là seulement j’ai été à mon tour (honteusement) libéré d’un certain poids : je n’avais pas écrit en vain. Car j’écris comme du bout des lèvres, presque rougissant. ”
Christophe Bagonneau
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