Extrait
“ …Ces personnages, ce sont les nôtres et les autres. On se dit: je peux donc avoir pour grand-mère la lumière et pour grand-père le temps? On lit ces pages ajourées, inondées de clarté, on voit à travers en lisant, on voit son propre passé – et son avenir. Car ce qui semble éternel ici, dans la simplicité d’une vigne, d’une cuisine, d’un escalier, est loin d’être immuable.
Le langage de Lucarnes est un langage surpris, et qui nous surprend à chaque nouvelle image. Jeanne Bastide sculpte la lumière, les miroitements des textes nous transportent de l’oublié à l’ébloui.” Éva Almassy (extrait de la préface)
Quel a été mon projet dans ces “Fragments autobiographiques”
Je ne pars pas des souvenirs… je n’en ai pas – ou plutôt ils sont dans la confusion. C’est un chaos d’images, de sensations… Au delà de l’identité partir de ce qui m’est donné à l’évidence : l’enracinement – le pays – la terre – le nom – l’Origine. De ce centre-là – de cette matrice, que peut-il naître? Ce n’est pas la réalité que j’écris – la réalité est dans l’écriture elle-même. Je m’essaie à donner forme à de l’informe.
Je me propose de partir du décor – même de carton-pâte – des objets – de la matière et des matériaux – et creuser, voir ce que cela recouvre (la porte en bois – l’évier de pierre – la toile cirée) Le décor – et l’envers du décor. Sonder les creux d’ombre. Les nommer tout au moins.
Ce qui n’est pas dit. Qui n’a pas été dit. Ce qui se cache ? le placard qui n’en est pas un, derrière les cheveux… raides, la cicatrice de la toile cirée – la blessure, le temps et l’usure, creuser la terre – labourer (le langage aussi).
“Il faut traverser l’apparence” dit Tardieu. Je voudrais avoir un regard étonné – le déplacer. Comme dans le rêve – partir du matériau manifeste. Pas que je veuille interpréter. Mais tirer un fil… et voir ce qui arrive. Pas écrire en Je, mais en Tu – comme lorsqu’on parle à soi-même. Et quand c’est trop difficile, que se nécessite la distance, parler de la “petite fille”.
C’est en écrivant que je sais ce que j’ai à écrire. Je n’ai donc pas vraiment de projet… si ce n’est une curiosité d’aller voir derrière. Pourquoi est-ce que je ne veux pas être enfermée dans cette image là: une occitane nourrie du regard de la vigne? Oui, je voudrais dérouler le fil, même s’il est quelquefois mité, s’il se sectionne, espérant que je peux encore m’étonner. Et de ces images éclatées – de ce miroir brisé en faire une unité de regard…
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