Pour le souvenir de Werner Lambersy
Hommages d'auteurs et amis de l'Amourier
Tu m’as bien bousculé, mon ami!
par Raphaël MONTICELLI
Tu m’as bien bousculé, mon ami!
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Le premier livre que j’ai lu de toi, c’était chez Princivalle dans les locaux de l’Amourier, avait pour titre «Petits rituels sacrilèges».
Rien que par ces mots là, je te savais tout près.
Et cette soirée où, presque sotto-voce, tu as évoqué ton enfance. Autre bousculade. Et quelle!
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Et tu n’as pas bousculé que moi, mon ami.
Un jour, ce lycéen m’interroge… Oui, monsieur, je comprends bien l’image «Écrits sur une écaille» et peut-être le pluriel et le singulier… Mais, monsieur, pourquoi il a précisé «de carpe» Werner Lambersy.
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Mon ami, l’éternité est un battement de cils
Comme si c’était à suivre
par Alain FREIXE
Et les poèmes présentent de telles occasions lorsqu’un ailleurs trouve abri dans cette autre langue, part inconnue dont l’énergie circule entre les mots, les images, les strophes et échappe en buées lumineuses et musicales.
Ainsi respirent les poèmes, choses vivantes, manières de vivre pour Werner, de vivre «vrai».
J’ai toujours aimé sentir dans ses livres cette sourde et obstinée force d’écriture qui fait de lui un insoumis et d’elle plus qu’un passe-temps, un tue-le-temps «avant qu’il ne nous tue, en tuant ceux qu’on aime» comme il me le disait dans un entretien d’octobre 2007 pour notre gazette Basilic.
Le poème était son combat pour la beauté. Et certes, il ne s’agit pas ici d’une beauté académique blanchie aux présupposés du jour mais de celle qui toujours manque au désir qu’on en a, rouge de vie et sans visage, faute de pouvoir les prendre tous.
Je propose de continuer de parier avec Werner pour la poésie, de se tenir encore à ses côtés dans ce combat pour la beauté qui pour lui était « le dernier obstacle à opposer aux dictatures, celles du temps comme les autres ». Je retiens pour continuer à aller l’amble avec lui, cette idée de service qu’il mettait en avant quand il entendait «servir (la poésie) joyeusement, désespérément, librement» parce que c’est le premier bélier pour renverser aliénations et déshumanisation, ces menaces sur le sens de l’humain, et l’avenir de la vie.
Un voyageur
par Jean PRINCIVALLE
C’est à Quimper que j’ai rencontré Werner Lambersy, en 1996 je crois, et c’est Jacques Clauzel, l’ami plasticien, qui me le fit connaître. Cette première approche devint côtoiement et, avant la fin du salon où nous étions invités, il fut décidé d’un livre. Ce livre je le voulais de proses, ce que Werner accepta en rechignant, et Jacques promit une couverture qu’il nous a offerte violette et violente; les «Petits rituels sacrilèges» sont parus en 1997 initiant une suite de six ouvrages publiés à l’Amourier.
Werner a été l’invité d’honneur de la première édition des «Voix du Basilic» à Coaraze puis il est revenu à plusieurs reprises et dernièrement juste avant la pandémie. Une année, je crois que c’était celle de «Écrits sur une écaille de carpe», les rencontres littéraires terminées, nous sommes allés tous deux faire un tour dans l’arrière pays et avons déjeuné d’une daube de sanglier servie à l’auberge de Peïra-Cava avec un Côte du Rhône très ensoleillé. À la fin du repas, alors que nous hésitions sur les digestifs, fouillant dans ses poches il me déclara tout à trac «mon avion part dans 45 minutes». Ceux qui connaissent leur géographie apprécieront; quant à moi je ne sais pas comment je suis arrivé à temps pour que notre voyageur parvienne à s’insérer en hâte dans la file de ses semblables; il était depuis longtemps rompu aux voyages…
Respectueux de la belle ouvrage il m’a expliqué un jour avoir fait des démarches auprès de la Fédération des Compagnons pour y créer, à côté des sociétés de charpentiers, de ferronniers ou de tailleurs de pierres, une société d’artistes. Enlever de la matière pour parvenir à l’essentiel d’une forme nécessaire. Deux des titres qu’il nous a confiés rassemblent des distiques; exigence méditative sur deux vers ou éloge d’une modestie artisanale? Il semble que pour toi les deux aient été une seule et même chose…
Longue vie, l’ami, à ce travail qui fut le tien.