Square Brassens


Square Brassens
Par Alain Guillard

Dimanche. Rues quasi désertes ; des familles qui rendent visite. Direction le square Brassens, dans le quinzième à Paris. Depuis une des Portes de Paris, entrée dans la ville. Mon chemin : Porte de St Cloud, avenue de Versailles, pont Mirabeau, rue de la Convention.
Le square Brassens, vaste marché de livres, chaque fin de semaine, samedi comme dimanche. Vaste marché de livres, improprement nommé square Brassens, puisque c’est sur l’emplacement des anciens abattoirs de Vaugirard qu’il se tient. Une halle ouverte au vent, pavés irréguliers, coupée en deux par la sculpture d’un portant une pièce de viande. Qui donne sur un côté du square. On dit donc Square Brassens parce qu’ainsi plus aisément situable à tout un chacun.

D’un côté, l’autre le quartier garde des allures populaires. Par le boulevard Lefebvre ceint des fameux HBM de brique rouge, immeuble noirci d’un feu, façades blanches salies et dégradées ; par la rue de la Convention, résidence sociale, petits commerces modestes dont un bistrot tenu par un ancien champion de boxe de ch’Nord, d’origine polonaise comme tant et qu’Edouardo Arroyo, le peintre, évoque dans un livre, la devanture couverte de coupures de presse relatant ses exploits de l’époque.
On arrive donc du square, des allées sablonnées du square, foulées ces fins de semaine par les joggers et aussi des parents avec leurs enfants, ou de la rue.

Là, des tables, de simples tables de bois avec parfois des étagères couvertes de livres, toutes sortes de livres et parfois aussi des dvd, signe des temps. Entre les tables, les silhouettes souvent studieuses de passionnés de livres, d’amateurs ou simplement de curieux détournés de leur chemin par tous ces empilements, ces piles instables de livres, ces tables achalandées d’ouvrages anciens et les libraires qui s’interpellent d’une table, l’autre, cassent la croûte ensemble à des tables de pique-nique, des chaises idem. Le tout, dans la bonne humeur, hiver comme été, temps froid comme canicule.

Outre les livres, on y aperçoit des silhouettes connues. J’y ai vu pour ma part un acteur tel Patrick Bouchitey, combinaison cuir de motard, des journalistes et d’autres croisés sur nos écrans tv et reconnus sans insistance. Nous sommes, malgré tout, entre gens de bonne compagnie.
On y passe là des heures, on y pioche, ça et là, des trésors oubliés, des auteurs anonymes, des poètes méconnus et même inconnus. On y trouve aussi des livres rares à des prix variables d’une table à l’autre. On y est comme à une chasse au trésor. Et cela chaque fin de semaine, les libraires changeant d’une fois sur l’autre, si certains y sont immuables. On y reconnait un qui tenait, il y a encore peu, La Belle Lurette, tout à côté du Théâtre Molière ou un autre qui avait pignon sur rue du côté du boulevard Clichy.

On y trouverait un des libraires de Modiano, échappé d’un de ses livres, on n’en serait aucunement surpris. On l’accueillerait comme un autre, mitaines de laine, doigts rougis de froid, doigts soufflés, œil rivé à ses livres dans le mouvement incessant d’une table à l’autre.

Alain Guillard

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