L’Autre côté du monde

Violence de ses gestes, un jour.
Gestes purs, qui ne savent rien de la saveur des choses, qui recréent à l’aveugle l’espace où inscrire le chant d’aimer. Il y a ce désir que rien ne restreint, qui pérennise sa fougue et sa densité dans la matière même de notre souffle. Elle m’étreint, follement, me défait avant que je n’aie pu l’en empêcher. Elle veut, intransitivement – c’est sans complément possible, à jamais.
Ce vouloir se fait soif, cri retenu – à peine, affolement. Elle me veut nue, en un seul mot, un seul geste. Nue.
Être la totalité de son désir ou rien. En elle, 1’insaisissable beauté de ce qui est éperdu, cherche et se cherche, s’offre pour mieux prendre. Avec la gravité de ce qui dénude – approche troublée de son émotion, de 1’émoi où elle me suffoque –, elle dénoue toute entrave, sa bouche m’ouvre, sa langue m’écartèle, elle a gémi, tendue, ses gémissements prononcent une joie où je me retiens, debout, et elle, visage levé, bouche buvant le fruit qu’elle crée et réinvente paupières closes, me fait vivre, au-delà de toute jouissance, un éblouissement.
Impression d’être rouée de bonheur entre ses lèvres, blottie, plus nue que le ciel. Resterai longtemps marquée par la brûlure de cet instant – un soulèvement. Des mots me parviennent, comme des vagues, qui me portent, me respirent. Naufragée.
Les yeux fermés, éternité rejointe, et ressac du vertige : j’avais cette immensité en moi, je l’avais oublié.

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