Extrait
Sous le soleil de Monsieur le Curé, s’opposant aux forces de la nuit et aux sentences séculières, la vie se fait charnelle et savoureuse.
Cet humble prêtre a perçu d’emblée que la pire tentation d’un homme de Dieu n’est pas la gourmandise, ni encore moins le sexe, mais le désespoir. Partant de cette leçon de vie, il lui faut s’accommoder des préceptes divins ou supposés tels. C’est au langage de trouver les voies de l’arrangement. Le bonheur sourit à ceux qui savent disputer et manier la langue. L’irrépressible désir de vivre s’exprime dans la culture du paradoxe. Il n’est pas de sagesse possible sans impertinence. Ainsi naît une écriture de la jubilation.
Note de l’auteur à propos de son livre:
En écrivant “Monsieur le Curé”, j’ai voulu concilier, au travers de ce personnage, les exigences de la vie spirituelle avec les désirs de la vie. Monsieur le Curé, dont l’existence est exposée en diverses tranches qui sont autant de chapitres, sait rester un bon vivant, attiré par les plaisirs de la chair ou même par les femmes, tout en préservant la rigueur de la vie religieuse. J’ai voulu, sous un mode humoristique et philosophique, faire un travail de synthèse réunissant les apparents contraires : les plaisirs et l’ascèse. Dans ce texte, interviennent des personnages emblématiques, comme le diable ou un directeur de conscience, chargés de lancer des débats théologiques qui permettent d’aboutir à des conclusions inattendues. Les commentaires de Monsieur le Curé apportent un éclairage inhabituel sur l’amour, l’Eglise et Dieu. Mais les descriptions, dans le corps même du texte, participent également à des commentaires sur la nature, l’Eglise, la Création. Il me semble que le personnage de Monsieur le Curé doit paraître sympathique au lecteur parce que réussissant une acrobatie : il est à la fois très proche d’un comportement hautement éthique et en même temps de l’être humain faible et vulnérable, sans y voir la moindre contradiction.
Owen Meany –
Lors de la traditionnelle visite de Noël, mon beau père m’a pris à part et m’a glissé un petit ouvrage dans les mains en me glissant d’une voix enjouée et légèrement coquine:
– J’ai immédiatement pensé à toi!
Sachant qu’il ne connaît que trop bien ma tendance naturelle à l’irrévérence, un tel cadeau ne pouvait que m’intriguer…
Il faut dire que le livre en lui-même est un beau petit objet et qu’indiscutablement, il ne peut qu’attirer le regard de celui qui aime taquiner du curé. Monsieur le curé de Jean-Luc Coudray est un petit ouvrage publié avec soin par les éditions L’Amourier et sur lequel est représenté un curé bien en chair en train de prendre le thé avec le diable dans ce que l’on devine être son église.
Je n’ai bien entendu pas résisté longtemps à la tentation et j’ai ajouté ce livre aux lectures déjà en cours sous les protestations desdits livres et de tous ceux en attentes qui n’appréciaient guère de ce faire ainsi court-circuiter.
Je m’excusais alors, je me justifiais: mais ce n’est qu’un tout petit livre de 75 pages à peine ! ! !
Mais ne vous y trompez pas, Monsieur le curé compense en finesse, en beauté et subtilité et peut ricaner dans le dos de livres plus imposant.
Avec une plume acérée mais d’où se dégage une réelle poésie et une tendresse inouïe, l’auteur nous donne une réelle leçon de vie iconoclaste au travers d’un curé dont on suit le parcours et la réflexion à cent lieues de l’aridité des églises. Il nous parle de Dieu, de la beauté, des plaisirs, mais sans tomber dans les clichés. De la philosophie sans en avoir l’air mais sans tomber dans la mièvrerie d’auteurs comme Paolo Coehlo.
Notre bon curé se contredit, expérimente, joue avec les mots, contemple mais ne cède jamais au désespoir et ouvre des voies à ses fidèles. Ce garnement avec une âme d’enfant et au parfum sulfureux ne tombe pourtant jamais dans la facilité et semble résoudre ses problèmes qui touchent chacun d’entre nous aux différents âges de notre vie, tout en explorant également les grandes interrogations métaphysiques (« Dieu se cache dans le mystère. »
Quelques courts extraits pour vous donner l’eau à la bouche :
A propos du sexe : « Par pudeur, Dieu quitta l’église. Pour aimer Dieu, il faut dépasser sa personnalité. Or, la sexualité est la chose la plus impersonnelle qui soit. Elle vient du corps, de l’espèce, des grandes affaires de la vie qui nous dépassent. »
A propos de l’église : « Dieu n’était pas présent de la même façon dans la nature et dans l’église. Dans la nature, on appréciait Dieu comme une femme. L’église était une manière de sculpter l’absence de Dieu. Le corps de Dieu, si présent dans les arbres et les nuages, tentait bien de pénétrer dans le temple. Mais les vitraux filtraient impitoyablement pour ne retenir que l’esprit. »
A propos de l’évolution : « Monsieur le curé savait que Dieu n’avait pas créé l’homme directement, mais par l’intermédiaire des plantes et des animaux. Cependant, maintenant que l’évolution avait abouti à l’être bipède que nous sommes, les plantes et les animaux étaient encore là et continuaient d’évoluer. Ainsi, le travail de Dieu n’était pas achevé. »
Sur l’ivresse : « Monsieur le curé, bien sûr, pouvait quelques fois céder à la chanson d’un bon vin. Il reçut le reproche de masquer, par l’ivresse, les angoisses profondes de l’homme afin de contempler artificiellement les beauté du ciel et de la terre. (…) Mais de tels arguments qui se dissipaient aussi naturellement que le jour se lève, avaient pour fonction de consolider la modestie de Monsieur le curé qui, de cette façon, s’enlevait tout moyen de se sentir supérieur à son prochain. »
Une petite douceur à lire absolument.
Publié par : Owen Meany à 02:43:56 le 2 février 2007